Mon ami,
Comme tu le sais, j’ai souvent rencontré certains de tes compatriotes ces dernières années en marge de réunions sur la paix.
Quelquefois je me suis fait injurier par les miens car je te défendais et essayais d’expliquer tes positions.
Ton Président, Mahmoud Abbas, a commis une erreur que j’espère tu condamneras. Je te rappelle les faits.
Le 23 juin 2016, à la tribune du Parlement européen, il a déclaré que même s’il condamnait les violences et les attaques terroristes comme moyen de constituer un État, il avertissait que le terrorisme ne pourrait être éradiqué de la région que si Israël mettait fin à son occupation des Territoires palestiniens. Ensuite il a ajouté qu’un certain nombre de rabbins en Israël avaient tenu des propos clairs, demandant à leur gouvernement d’empoisonner l’eau pour tuer les Palestiniens.
Samedi 25 juin 2016, suite aux protestations, ton Président Abbas a fait marche arrière. Ainsi son bureau a déclaré qu’il « rejette toutes les allégations selon lesquelles le peuple palestinien et lui-même offenseraient la religion juive », ajoutant qu’il avait « par le passé, réfuté toutes les accusations d’antisémitisme ».
Cher ami, malgré son rétro pédalage, ton Président a fait beaucoup de mal à notre amie commune qui est la paix et, dans le même temps, a aidé tous les faucons de ton peuple et du mien.
Je voudrais que tu m’expliques pourquoi ton dirigeant a repris une information qui s’est avérée fausse, parue dans un article publié en juin par la presse turque ?
En accusant le peuple israélien d’empoisonner l’eau des puits pour tuer les Palestiniens, Mahmoud Abbas s’est comporté comme à une époque, que je croyais révolue, où l’on accusait les Juifs de crimes rituels.
Tu me diras que les dirigeants actuels du peuple israélien font eux aussi des erreurs et n’encouragent pas toujours la paix. Tu as sans doute raison et je dois te dire que comme beaucoup d’Israéliens, certaines positions prises par le gouvernement de Netanyahu m’irritent.
Cela n’est pas une raison pour ne pas continuer à discuter. Ton Président a refusé de rencontrer M. Rivlin, Président de l’État d’Israël qui depuis son élection ne cesse de construire des ponts entre nos deux peuples.
Cher ami, nous discutons beaucoup de paix. Tu me dis que la situation ne peut perdurer et qu’il faut trouver une solution. Je suis d’accord avec toi, trop de morts, trop de familles brisées. Pour arrêter le cycle de la violence, nos dirigeants doivent se parler.
Je te demande de te mettre à la place des dirigeants israéliens. Imagine que le futur Premier ministre israélien soit un homme ou une femme qui veuille à tout prix parler de paix. Imagine que ce futur Premier ministre propose, comme l’avait fait Ehud Barak, de se retirer de la Judée-Samarie. Avec qui ce Premier ministre devra-t-il discuter ? Avec le Fatah ? Avec le Hamas ? Que se passera-t-il si le Fatah accepte et le Hamas refuse ?
Je veux te dire que tu dois tout faire pour que mon peuple ait un interlocuteur unique reconnu par le tien. Cet interlocuteur devra être élu en toute démocratie et être reconnu par toutes les franges de ton peuple.
Le jour où ce leader sera élu, il devra tout d’abord faire le ménage dans toutes les institutions. Tu sais aussi bien que moi que la Palestine est l’entité qui reçoit le plus au monde de dons, de subventions, d’aides. Ainsi sa première tâche sera de chercher où est cet argent et comme dans toute démocratie, de juger ceux qui ont profité de cette manne à des fins personnelles.
Lorsqu’il aura récupéré tous ces fonds, il devra, en priorité, avoir une politique sociale car jusqu’à maintenant ce sont des organisations des plus extrémistes qui font ce travail. Si tu meurs de faim, tu seras toujours redevable à ceux qui t’ont donné à manger. Les fanatiques ont bien compris cela ; alors je t’en prie fais que ceux qui ont faim ne soient plus redevables aux fous de Dieu.
Avant de lire ta réponse, je souhaite que chez toi aussi, des personnes se lèvent pour crier l’amour de la paix. J’espère qu’un jour proche, nous verrons en Palestine des groupes du type « Shalom Archav ». Bien sûr ces associations sont critiquées par certains en Israël mais au moins elles existent.
Je te demande une dernière faveur : explique à ton peuple et à ses dirigeants que pour discuter avec une personne, pour lui demander quelque chose, il faut d’abord la reconnaître et accepter qu’elle existe.
Pour conclure cette lettre, je souhaite te communiquer un message que Faysal envoya le 31 octobre 1919 à l’Organisation Sioniste de Londres pour le deuxième anniversaire de la déclaration Balfour, et tu comprendras ainsi qu’il fut un temps où les dirigeants de nos deux peuples pouvaient dialoguer.
Lettre de Faysal au Dr. S. Levin du Comité de l’Organisation Sioniste Londres.
« Monsieur,
Je regrette de ne pouvoir assister à la cérémonie de la commémoration du second anniversaire de la déclaration Balfour à laquelle vous avez bien voulu m’inviter.
Je suis cependant très heureux de saisir cette occasion pour vous réitérer mes vœux les plus sincères de voir nos deux peuples travaillant ensemble pour un idéal commun qui est la résurrection de l’Orient.
Nous avons été unis dans le malheur et nous comptons rester unis dans cette nouvelle ère de progrès et de civilisation qui s’ouvre devant nous. Notre pays libre et indépendant aura beaucoup à gagner de la collaboration de nos deux peuples frères, qu’une histoire commune unit si étroitement.
L’évolution de la race juive sémite ne peut être que saluée avec sympathie par les Arabes sémites.
L’Orient a une grande mission à remplir et c’est à nos deux peuples que cette grande tâche incombe, aussi je crois interpréter mes sentiments et ceux des peuples arabes en rendant hommage à la sincérité des chefs sionistes qui travaillent à l’union de nos deux peuples.
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma haute considération.
Signé (en arabe) Faysal »
Amitiés et espoir
Ton ami
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